Cet article rend compte de l’un des thèmes issu des travaux de Space’ibles pour l’année 2017, l’Observatoire de Prospective Spatiale, à initiative du CNES. Avec les trois autres articles qui portent eux aussi la mention « Space’ibles 2017 », ils forment le rapport d’activité de la première année d’existence de l’observatoire, présenté en convention, à Lyon, les 7 et 8 novembre. Ces quatre articles ne sont pas des prises de position définitives mais des appels au dialogue, documents « martyres » sur lesquels construire les prochaines réflexions.
Article également publié dans le Huffington Post : www.huffingtonpost.fr/olivier-parent/la-conquete-spatiale-se-pose-t-elle-encore-des-questions-existentielle_a_23271605/
Article conçu en collaboration avec Space’ibles, l’Observatoire de Prospective Spatiale, initiative du CNES.
La deuxième moitié de notre vingt-et-unième siècle est désormais bien entamée et plus personne ne s’interroge sur la pertinence de la présence de l’homme dans l’espace. On pourrait même dire que l’humanité est entrée dans une nouvelle phase de cette conquête des espaces infinis outre-Terre.
Après l’élan initial des pionniers de l’espace… après l’âge d’or des lanceurs «publics» (qui emportèrent en orbite de la Terre toute une myriade de satellites de communication et d’observation)… après celui des entrepreneurs privés (qui redistribuèrent les cartes des prémices de l’industrialisation des produits et services tels que nous les connaissons, renouvelant par là-même les destinations couramment admises, avec les premiers voyages vers Mars et surtout le retour tant attendu des humains sur la Lune)… après l’âge d’or des premières urbanisations (qui firent vite de la station ISS une grotte quasi paléolithique)… désormais, le temps d’une forme de normalisation des activité humaines outre-Terre est venu.
En effet, aujourd’hui , les infrastructures spatiales se rapprochent d’un stade d’équilibre industriel : suffisamment de ressources humaines, matérielles et technologiques ont été arrachées à la gravité terrestre. Et, les matières premières — produits d’une autre dimension de la conquête spatiale : le space mining, via Mars pour certains minerais utiles, eux aussi, pour les implantations humaines sur la Planète Rouge — proviennent désormais de l’espace lui-même. Principalement de la ceinture d’astéroïdes, pour être plus précis. Tant et si bien que les échanges commerciaux entre l’espace et la surface de la Terre sont appelées à croître, avec leurs lots de produits originaux et devenus indispensables pour le marché n’y a pas naturellement accès !
Mais la présence de l’humanité hors de la géosphère n’est pas naturelle, il est bon de le rappeler, et n’est pas allée sans de fortes réticences. Rétrospectivement, il y a eu deux principales raisons qui auraient pu fermer les portes des étoiles à l’humanité. La première de ces raisons était un légitime «pourquoi partir ?», sous-entendu «on a pas résolu toutes les inégalités sur Terre, alors, pourquoi partir plus loin ?». En réponse à cet interrogation, il était couramment cité la phrase de Thomas O. Paine*, administrateur de la NASA de 1968 à 1970, qui, suite à des manifestations pour les droits civiques, à Cap Canaveral, la veille du lancement d’Apollo 11, en juillet 1969, avait déclaré : «Si nous pouvions résoudre le problème de la pauvreté aux États-Unis en ne poussant pas le bouton pour lancer les hommes sur la lune demain alors je n’appuierai pas sur ce bouton». L’autre raison était une question de coût énergétique, question devenue de plus en plus pressante avec l’accélération des conséquences liées aux dérèglements climatiques auxquelles la planète dû faire face, à compter des années vingt, au regard des proportion substantielles que représentait l’envoi dans l’espace du fret nécessaire à l’établissement de l’humanité en orbite de la Terre. Certains journalistes résumèrent le dilemme en posant la question : «L’humanité doit-elle partir plus loin ou respirer mieux ?»
L’arrivée de l’humanité dans l’espace aurait bien pu être également un échec si la phase des premières installations — on ne parlait pas encore d’urbanisation — n’avaient pas portées leurs fruits en termes de productions, si on avait pas passé le stade du Proof of Concept. En effet, il avait été garanti aux «terriens terrestres» que se lancer à la conqu ête de l’espace et construire, à terme, des usines hors de la géosphère assureraient à l’humanité des produits infaisables sous l’emprise de la gravité terrestre. Il fallut donc quelques succès de laboratoire vites passés en phase pré-industrielle pour définitivement convaincre l’opinion publique de la nécessité de finaliser l’arrivée de l’humanité dans l’espace. Ce fût principalement la chimie en apesanteur qui apporta son eau au moulin spatial… comme le space mining avec ses premières cargaisons de minerais rares et indispensables aux technologies les plus modernes qui, à la même époque, arrivèrent en orbite de la Terre.
Aujourd’hui, c’est la territorialisation de l’espace qui s’ouvre à l’humanité, avec ses dimensions urbaines, industrielles et commerciales, sanitaires et de divertissement… Il faudra cependant continuer à faire appel à tous nos savoir-faire terrestres car la diplomatie, comme la stratégie, font partie de l’aventure de l’expansion de l’humanité dans le système solaire : si les nations ont confié aux entreprises l’effort financier de la colonisation spatiale moderne, elles n’ont pour autant pas abandonné leurs prérogatives, bien au contraire. Ainsi, en partant vers les étoiles, l’humanité a emporté avec elle non seulement le meilleur mais aussi le complexe qui font que l’humanité est l’humanité. Le Droit International de l’Espace, toujours en cours de rédaction, témoigne de cette complexité !
Lien vers le pdf du magazine « numéro spécial Space’ibles » de FuturHebdo produit par le Comptoir Prospectivite.fr avec l’ensemble des articles produits à l’occasion de l’inauguration de Space’ibles, l’Observatoire de la Prospective Spatiale, à l’initiative du CNES.
* Cité par Roger Launius, historien de l’espace : Thomas O. Paine aurait écrit, après avoir rencontré les représentants des minorités afro-américaines, la veille du lancement d’Apollo 11 : “I stated that if we could solve the problems of poverty in the United States by not pushing the button to launch men to the moon tomorrow, then we would not push that button.”
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