Une série de 13 chroniques sur la médecine du futur.
A suivre tous les vendredis.
2048
Du préventif à l’eugénisme
En 2040, mettre un enfant au monde ne se faisait plus du tout au hasard. Le DPI (Diagnostic Préimplantatoire) présentait l’immense avantage de permettre de déceler les éventuelles anomalies avant implantation dans l’utérus et donc d’éliminer les embryons susceptibles de développer des pathologies pour ne conserver que ceux réputés sains, cette dernière notion évoluant rapidement avec les progrès de la biologie.
Évoquant la nécessité de contrôler les budgets de santé, la plupart des pays n’avaient pas manqué d’utiliser cette nouvelle technique pour instaurer des mesures eugéniques qui ne portaient pas leur nom. On parlait plutôt de « mesures de santé publique ».
En France, pendant longtemps, très peu de tests génétiques avaient été rendus obligatoires, mais ils étaient fortement recommandés, surtout pour les couples porteurs de mutations susceptibles d’être transmises à l’enfant. Mais les parents restaient libres de choisir en fonction de leurs convictions. Même en cas de test positif, si l’enfant à naître développait la maladie, il était pris en charge par le système de santé.
En 2018, L’AFDPHE[1] préconisait cinq tests, mais dans son Avis 124 du 21 janvier 2016, le CCNE[2] attirait l’attention sur le lien entre « prévention dès la naissance » et « dépenses de santé » :
« Qu’il s’agisse d’affections communes, mais relativement contrôlables comme le diabète, l’hypertension et les maladies cardio-vasculaires, ou progressives de manière encore inéluctable comme la maladie d’Alzheimer et celle de Parkinson, le coût social des maladies qui pourraient devenir « prédictibles » dans un avenir proche est considérable. Mais, dans le cas des premières, il existe des facteurs préventifs considérés par certains (de plus en plus nombreux) comme relevant de l’hygiène de vie qui pourraient avoir une incidence considérable sur les dépenses nationales de santé, en particulier si le séquençage d’ADN se généralisait et permettait la mise en place d’une « prévention » très tôt au cours de la vie, voire dès la naissance. »
En 2030, la liste des tests incontournables s’était largement étendue à d’autres maladies héréditaires potentielles. Oui, si on peut éliminer la maladie, c’est bien, mais allait-on bientôt sélectionner les embryons, écarter ceux qui portaient des risques génétiques ? Sur quels critères, qu’est-ce qu’un risque ? Et qui définira la limite entre ce qui est risqué et ce qui ne l’est pas ? Allait-on aller jusqu’à obliger un couple à sélectionner le « meilleur embryon », à pratiquer ce qu’il faut bien appeler une certaine forme d’eugénisme ?
Selon les dispositions de la Loi Santé 2048, l’enfant à naître n’était plus pris en charge par les organismes sociaux s’il venait à être porteur de mutations non désirées qui auraient pu être décelées. Autant dire que, pour les couples présentant des risques, le DPI devenait incontournable.
Dans d’autres autres pays, la loi était encore plus stricte, il n’était pas question de mettre au monde un enfant présentant des mutations génétiques invalidantes. Le droit à procréer était soumis aux résultats d’un DPI et d’une analyse génétique complète.
[1] Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant
[2] CCNE : Comité Consultatif National d’Ethique, Avis n° 124, réflexion éthique sur l’évolution des tests génétiques liée au séquençage de l’ADN humain à très haut débit.
Textes extraits et adaptés par Jean-Pierre Galand du livre du même auteur
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CALENDRIER
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9 | SELECTION |
2048 – du préventif à l’eugénisme |
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