Deux ou trois choses que « REPO MEN », le film de Miguel Sapochnik, nous dit sur demain…« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », parole de prospectiviste !
Réalisation : Miguel Sapochnik
Sortie : 2010
Le film Repo Men est une “dystopie”, néologisme qui désigne l’opposé d’une utopie. Et, dans ce film, l’espoir que la technologie puisse un jour venir au secours de l’homme tourne au cauchemar, même si le héro fini prisonnier d’un rêve permanent !
Une autre particularité de ce film est l’absence de ce qui fait l’actualité du cinéma de science-fiction de ce milieu de décennie, l’absence de toute conscience artificielle, pas même une once d’intelligence artificielle dans ce monde où les voiture sont toujours conduites par les humains. Avant qu’Audi ne se fasse le grand champion du placement produit (Minority Report, I, Robot, Avengers, Iron Man…), c’est Volkswagen qui affiche son Touareg au long de ce film. Une bonne vieille voiture. Influencé par la dimension dystopique du film, on ne serait même pas étonné si on apprenait qu’elle était dotée d’une boîte de vitesse manuelle !
Par ailleurs, quand on observe la ville, la société dans laquelle se débat Remy, joué par Jude Law, on est frappé par deux choses : d’une part, l’état semble totalement absent de cet société issue d’un avenir pas si éloigné du nôtre et, d’autre part, la personne humaine ne semble plus être digne du moindre respect, soumise, comme elle l’est dans le film, à la loi implacable du marché de la greffe biomécanique.
Même les greffes ont une apparence “hostile”, quasi extraterrestre : elles semblent être faites d’anneaux reptiliens et leur extraction, fatale pour leur “porteur” incapable d’assurer le paiement de ses mensualités, tient de la libération qui permet à la prothèse de réintégrer l’unité de la corporation qui maîtrise la gestion de ces dispositifs biomécaniques.
Ces greffons artificiels semblent pourvus d’une telle importance que même les techniciens qui en assurent le délicat assemblage ne disposent d’aucune protection particulière. Quand des fuyards, Jude Law et Alice Braga, tentent de détruire le système et pénètrent dans une salle blanche où travaillent consciencieusement des hommes et des femmes penchés à construire les délicates et précieuses prothèses, ces travailleurs de l’ombre habillés de blanc sont abattus sans sommation, sans émois par les gardiens du système, les Repo Men, les récupérateurs de prothèses impayées.
Comment une telle société a-t-elle pu émerger ?
Il a été dit plus haut que l’état est absent du film. La corporation qui gère les prothèses semble toute puissante. Elle assure une bonne part sanitaire de la santé publique mais reste régie par les règles de l’offre et de la demande. Un client reste un client. Tant qu’il paye, il a le droit à tous les égards. Quand il ne peut plus payer, il passe aux services des contentieux et tombe sous le joug des Repo Men.
Si l’état est absent de la société décrite dans le film, c’est sûrement qu’il n’a plus les moyens d’assurer ses fonctions de service auprès de la collectivité. Vu l’importance qu’il est donné aux prothèses dans le film, leur fabrication doit engager des moyens que l’état n’a plus été en mesure de les prendre en charge, laissant la place à la loi du marché appliquées aux domaines de la santé publique.
Aujourd’hui, dans notre société réelle, on observe des tendances esquissées dans le film Repo Men. Chacun peut constater que les états sont de plus en plus endettés et que les prothèses artificielles ne sont plus de l’ordre de la fiction. Prenez Carmat, le cœur artificiel développé en France. Il s’est fait connaitre du monde entier, fin 2013 : c’était la première fois qu’un cœur artificiel total était implanté dans une poitrine humaine. Condamné sans cette expérience, le premier patient à en avoir bénéficié a vécu trois mois avec ce dispositif. A ce jour, le coût d’une telle prothèse, hors hospitalisation, est de l’ordre de 160 000 euros, soit une petite maison, à l’écart des centres-villes. En France, si l’état, au travers de la Sécurité Sociale, ne prenait pas en charge cette opération, qui pourrait se la payer ?
A terme, on verra sûrement baisser le coût de ces prothèses, une fois passé en phase de production industrielle. La concurrence viendra aussi jouer son rôle. Carmat n’est pas la seule prothèse en voie de développement, elle n’en attise pas moins les convoitises.
mais, demain, nos états pourront-ils toujours prendre en charge nos prothèses, alors que tous les gouvernements sont à “racler les fonds de tiroirs” pour garder leur crédibilité intérieure autant qu’internationale ? Sommes-nous condamnés à un avenir similaire à celui décrit dans Repo Men ?
Pendant que Carmat et ses petits frères industriels continuent leurs développements, une tendance est en voie d’émergence. Elle regroupe deux circonstances propres à la réalité. Tout d’abord, il y a l’Open source, cette démarche qui, à l’encontre de la sacro-sainte protection intellectuelle et industrielle, met à disposition de la collectivité des développeurs et utilisateurs les ressources d’une technologie. A l’origine, l’Open source ne concernait que les logiciels. Le système Linux a participé à la diffusion de cette nouveauté, dans les années 1990. Aujourd’hui, ce sont des bases de données, des plans d’objets qui sont mis à la disposition de la communauté.
La deuxième circonstance concerne une technologie : l’impression 3D. Il y a peu encore, cette technologie était considérée par le grand public comme une anecdote. Il a fallu des visionnaires pour lui donner ses lettres de noblesse. Il est vrai que, tant que les imprimantes 3D ne pouvaient travailler qu’un seul matériau, on pouvait légitimement avoir du mal à saisir l’intérêt de ces dispositifs, au delà d’un caractère simplement ludique, comme imprimer une petite figurine… Aujourd’hui, les imprimantes 3D peuvent gérer jusqu’à une douzaine de type de matériaux différents. Elles sont aussi de plus en plus rapides et de plus en plus précises.
Rassemblez Open source et imprimante 3D, bonne volonté et connaissances et vous voyez apparaître des prothèses de mains, de pieds… qui permettent à des enfants, des femmes et des hommes de marcher, de saisir des objets. Des projets aussi bien portés par des fondations et ONG que par des anonymes qui travaillent dans leurs garages.
A ce jour, ces prothèses sont essentiellement passives mais elles sont d’un coût de production tellement faible qu’elles vont se répandre dans le monde, rendant la différence de moins en moins visible, de plus en plus “normale” ! On commence à voir apparaître des prothèses actives, “motorisées”. Leurs coûts montent à quelques milliers de dollars. En tout cas rien que le crowd founding ne puisse prendre en charge… Une autre circonstance qui, dans la réalité, semble être un des nombreux “anticorps” qui devrait nous préserver d’une contamination à la Repo Men… Comme quoi l’être humain à des ressources inattendues, à chacun d’en imaginer d’autres encore et de créer les nouveaux usages qui construiront un monde peut-être pas meilleur mais, à l’évidence, étonnant !
Toutes ces analyses sont également rassemblées sur le site www.sciencefictiologie.fr, site dédié à la science-fiction qui éclaire le présent, grâce à la plume, le crayon et l’œil des auteurs !
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