La Société Internationale de Mythanalyse organise les 21 et 22mai prochain à Catane en Sicile un colloque international en sciences humaines et sociales
Le colloque est centré sur le thème de l’insularité. Il se propose de dresser un état des recherches et des travaux récents, de questionner l’insularité entre mythe et imaginaire et dégager des nouvelles perspectives d’études autour d’une mythanalyse de l’île.
La mythanalyse explore les imaginaires sociaux actuels, nos mythologies du XXe siècle, celles qui surplombent nos imaginaires individuels, déterminent nos valeurs et nos comportements collectifs d’aujourd’hui, le plus souvent à notre insu. Nos sociétés contemporaines ne sont pas moins mythologiques que celle des Grecs ou des Vikings, mais nous ne le savons pas. (Hervé Fischer)
La conférence de Luc Dellisse : L’organisation de l’île : Robinson et la liberté
MARDI 22 MAI 2018
L’existence des humains se présente comme une suite de rencontres et d’actions cloisonnées entre elles. On agit comme si on avait dix morceaux de vie dissociés. Et pourtant, l’unité fondamentale de notre personnalité ne fait pas de doute – c’est même un des principes les plus féconds de la psychologie. « On entre dans Hegel comme on entre dans une histoire d’amour, et comme on entre dans sa salle-de-bains ».
Ce n’est pas la diversité de nos agissements, mais la forme de transmission des savoirs dans la société actuelle, qui produit cet effet. Les études, les amitiés, les mouvements du cœur, les repas en famille, les épisodes sportifs, les lectures et les jeux, sont traités comme s’ils n’avaient presque rien à voir entre eux. Les enfants apprennent très tôt à compartimenter leur esprit. Devenus adultes, ils poursuivent le mouvement.
La grande affaire de l’esprit est de trouver son unité. C’est-à-dire, de créer un dispositif mental et un mode de vie pratique qui établissent des relations de suivi et de nécessité entre chacun des moments de notre vie, chacun de nos « hasards », chacune de nos créations.
L’unité absolue de nos activités est un idéal inatteignable. Mais l’unité relative tient à l’organisation d’un espace imaginaire. Appelons-le : l’île de Robinson.
Le célèbre naufragé ne s’adapte pas aux conditions de son île : il en fait un double miniature et sommaire, conforme à ses besoins, de la civilisation dont il est issu. Il ne vit pas en solitude personnelle, mais en société virtuelle. Il similarise (Korzybski) les acquis de la société, c’est-à-dire le passé, au milieu de l’éternel présent de l’île déserte. A ce prix, il est à la fois plus libre qu’aucun citoyen de York ou de Birmingham, et plus complet et complexe qu’un sauvage et qu’un homme seul.
Le travail de réunification peut commencer.
La conférence de Christian Gatard : Le Fripon Divin qui est aux Dieux ce que l’île est au continent
MARDI 22 MAI 2018
Le fripon divin est présent dans toutes les cultures . Il joue des tours pendables, possède une activité désordonnée incessante, une sexualité débordante. Il est une personnalité chaotique, à la fois bonne et mauvaise, une sorte de médiateur entre le divin et l’homme. Il passe avec facilité de l’autodérision au sérieux le plus total ; mourir, renaître, voyager dans l’au-delà et conter sont certains de ses attributs. Il est indispensable à la société : sans lui, elle serait sans âme.
Claire DORLY parle de sa dérangeante diversité dans les registres de l’ombre et c’est précisément dans ces registres que l’on pourrait situer ce que les anglo-saxons nomment le trickster.
S’il est une créature mythique des légendes, il est aussi une composante de notre âme. Celle qui permet à l’enfant et plus tard à l’adulte d’avoir ce dialogue intérieur qui lui permet de se situer dans le monde et de grandir toujours, de se renouveler toujours.
Nous partirons de ce constat pour situer le rôle symbolique de l’île qu’on dira être au continent ce que le fripon est aux dieux qu’il nargue et désarçonne, aux hommes les héros espiègles et narquois que sont Maïtre Renart, Till l’espiègle, Loki, Puck et tant d’autres, aux femmes Lilith (la première femme d’Adam) , Ishtar (la dame provocatrice de Babylone)…
Dans l’Odyssée combien d’îles pour combien d’aventures différentes pour le rusé Ulysse ?
L’effet île concentre dans l’Odyssée les représentations du désir amoureux, mais aussi de l’abandon et de la solitude et surtout, l’aimantation indéfectible de l’île … L’île, surtout lointaine et inconnue, nourrit un rêve dont elle est le miroir, une sorte d’Eden qui associe la symbolique de l’île à une philosophie de l’ailleurs. L’île est l’autre, l’ailleurs. L’île stimule l’imaginaire, c’est le lieu ultime de soi l’island en anglais : le I, land dit la psychanalyste Martine Estrade. L’inquiétante étrangeté de soi ?
(toute référence à des textes présents sur le Net et ailleurs sera parfaitement assumée)
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