Paris – Février 2053
Ouf, pourra-t-on dire dans les bureaux de la Commission Environnementale à Bruxelles et dans ceux de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Pas moins de 28 ans auront été nécessaires pour obtenir la signature d’une charte internationale qui impose une écotaxe à l’ensemble des flottes mondiales non encore équipée de GNL (Gaz Naturel Gazéifié). La progression inquiétante des pollutions en mer aura convaincu une majorité de gouvernements de la nécessité d’imposer une réduction drastique des émissions polluantes des navires des flottes marchandes, de pêches et des tours opérateurs.
Poussée par l’Organisation Mondiale de la Santé, les directives de Bruxelles sur la protection de l’environnement n’ont pas cessé de se durcir durant toutes ces années 2015 à 2020, sans toujours beaucoup d’effets concrets, il faut bien le dire. Sous la pression des lobbies des armateurs, à Bruxelles, la Commission à l’environnement avait retardé les obligations qui leur étaient faites depuis les années 2015 de rejeter moins de 0,1% de souffre. Une obligation qui sera renforcée en 2024 pour les particules d’oxydes d’azote – non sans mal – après une forte résistance des navires de pêche, car elle concernait cette fois ci l’ensemble des flottes toutes catégories confondues (hormis le cabotage côtier des particuliers). Malheureusement les coûts annexes induits et les difficultés de maintenance dans un secteur encore mal organisé pour assurer la logistique d’un dispositif aussi sophistiqué auront longtemps freiné l’avenir des flottes utilisant le GNL.
Dans les années 2010/20, la multiplication des rejets et des accidents maritimes avec les largages de fioul en mer, la nécessité de transports plus écologiques aura convaincu une majorité d’armateurs de modifier les moteurs utilisés par leurs flottes. Des compagnies maritimes comme la Brittany Ferries ont eu la bonne idée de commander des navires passagers ayant la particularité de fonctionner au gaz naturel gazéifié (GNL). Un projet issu de la volonté de ses dirigeants et des autorités maritimes de voir diminuer les émissions de gaz d’échappement et les délestages de fioul mais aussi de s’offrir une image positive. Ce type de propulsion, d’ailleurs compatible avec l’utilisation de fioul lourd en cas d’absolue nécessité, réduit de 80% les émissions d’oxydes d’azote et de 20% celles de CO². D’autres armateurs suivront, encouragés par l’explosion de la demande de navires de croisières qui se voyaient progressivement interdits d’accès dans certains ports. C’est Venise qui, en 2018, sera la première à interdire totalement l’accès aux navires de croisières non équipés de GNL qui passaient dans la lagune de la ville. Elle sera suivie par d’autres ports dont les eaux étaient manifestement souillées par les émissions des moteurs au fioul lourd traditionnel.
La France, qui avait pris beaucoup de retard en matière de réduction de ses pics de pollution aux particules et d’oxydes d’azote (NOx), était depuis des années soumise à de lourdes amendes faute d’avoir réduit ses émissions. Suivant en cela les directives de Bruxelles, le gouvernement de Michel Rochard en France et le chancelier Sigmar Detterer en Allemagne, décidèrent de frapper fort pour renverser la tendance en imposant dès 2024 de fortes taxes portuaires aux navires à motorisation fioul, malgré le risque de perte de trafic. En figurant comme les pionniers des interdictions progressives des moteurs au fioul lourd d’abord pour les flottes des tours opérateurs, puis les flottes marchandes, la France et l’Allemagne entraineront l’Europe dans une modification profonde de l’industrie navale aidée en cela par une série d’évènements qui font date désormais.
D’abord, la France qui dispose d’une importante façade maritime, en sommant les navires de moins polluer et en imposant le paiement d’une écotaxe pour les navires naviguant au fioul, aura aussi fait une bonne affaire économique. La France était devenue leader mondial en matière de construction de méthaniers et de techniques de stockage permettant une économie de 15% sur le coût total du navire. Elle était aussi en pointe dans l’équipement de terminaux capables de ravitailler les flottes en GNL. Le terminal méthanier de Dunkerque, est capable de recevoir jusqu’à 80 méthaniers simultanément et de stocker jusqu’à 13 milliards de m3, afin de suivre l’augmentation régulière des flottes maritimes utilisant le GNL. De son côté, le port de Marseille en aura profité pour faire migrer ses installations portuaires au bénéfice d’une logistique résolument tournée vers l’accueil et la réparation des navires navigants au GNL, gagnant en attractivité face aux ports d’Anvers et de Rotterdam qui avaient pris du retard.
Ensuite dans les années 2015/2017, avec l’arrêt des réacteurs nucléaires au Japon et en Allemagne, suivi par l’abandon de projets de centrales, la forte progression de la demande asiatique en GNL a eu pour conséquence de surenchérir le prix du GNL. Ce qui a été à l’origine d’incertitude sur son avenir dans une Europe déjà craintive des conséquences écologiques induits par l’utilisation de certaines énergies comme le gaz de schiste. Finalement, la crainte de la dépendance croissante des européens au gaz russe, après la fin de la production de la Mer du Nord et l’instabilité des productions de pétrole dans des pays foyers permanents de troubles, aura convaincu les gouvernements d’investir dans des terminaux méthaniers et les usines de liquéfaction des gaz.
Enfin, un formidable choc écolo vint de la Chine. Elle contribuera à faire basculer la plupart des pays dans une nouvelle ère. La décision des chinois de n’accepter dans les centres villes que les voitures non polluantes et celle des européens en matière d’Ecotaxe maritime auront fait basculer définitivement le marché des véhicules et du transport en général dans une nouvelle époque. En 2025, l’annonce du gouvernement chinois d’imposer aux villes de Shanghai, de Beijing, de Guangzhou et de Shenzhen de n’accepter que la circulation des bus et des voitures électriques et celles fonctionnant au GNL aura été un électrochoc à la fois pour les constructeurs et pour les maires de grandes villes en Europe. Très vite, à leur tour, Berlin, Londres, Amsterdam, Oslo et Rome, suivis les années suivantes par une majorité de centres urbains dont Paris, décidèrent ne plus tolérer dans leurs centres villes que les véhicules électriques et ceux fonctionnant au GNL. La même année, sur proposition du sénateur Henri Valverde, le gouvernement français prendra la décision de suspendre le paiement de l’écotaxe pour les transporteurs routiers nationaux et internationaux fonctionnant à l’électricité et/ou au GNL. Ce sera aussi l’occasion de la première grande campagne de communication afin d’encourager les automobilistes encore réticents envers la voiture électrique à s’équiper en GNL encore très mal connu. Quant aux compagnies, elles ont rapidement compris l’intérêt des économies directes (prix) et indirectes (diminution pollution et entretien des machines) induites par l’utilisation du GNL.
Mais pour autant, la partie n’était pas gagnée. Les installations portuaires, les réseaux de distribution et les parcs des véhicules mettront des années à se renouveler. Il fallut se résoudre à attendre plus de deux décennies afin de voir une majorité de pays accepter de signer une charte mondiale contre les rejets et les pollutions dus au fioul et au gaz-oil. A ce jour, le Gaz Naturel est passé de 21 à plus de 30% de la demande d’énergie primaires, mais le charbon garde son rang avec 30% de la consommation totale. C’est le pétrole qui cède du terrain en passant de 31,4% à 28% de la production mondiale. Ne restait qu’à obtenir une contrainte internationale qui oblige désormais l’ensemble des flottes, y compris le secteur automobile, à se mettre à la norme d’une solution somme toute écologique. Voilà qui est fait ce 18 février 2053. Mais encore une fois: pourquoi avoir tant attendu !?
Bon à savoir : L’usage du GNV se consolide dans le Monde depuis 20 ans et connait un nouvel essor en Europe et en France. Entre 1990 et 2010, le nombre des véhicules fonctionnant au GNV a augmenté de 18 % par an dans le monde pour atteindre 13 millions de véhicules (400 000 bus, 200 000 PL, 12,4 millions de VL). Dans certaines zones du Monde, comme l’Amérique et l’Asie, le rythme s’est récemment accéléré. L’Association NGVA Europe et le study Group 5.3 de l’IGU prévoient qu’en 2020, il y aura 65 millions de véhicules au GNV dans le Monde, soit 4 à 5 % du marché. En savoir plus : Pourquoi le GNL qui prend le nom de GPL pour (Gaz de Pétrole Liquéfié) n’est-il pas mieux connu et utilisé !? Le GPL est issu soit du pétrole (qui reste polluant), soit du Gaz naturel liquéfié (moins connu et moins utilisé). Le GPL coûte à l’automobiliste 0,70 euros à la pompe. Quelles différences entre ces solutions?
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