Un vaisseau spatial rempli de passagers file à travers l’espace. Est-ce là le futur, le destin de l’humanité que de quitter la Terre pour aller vers d’autres planètes et y construire de nouveaux mondes ?
Passengers est un film de science-fiction sortit en 2017 en dvd et blu-ray. Les 5000 passagers sont endormis pour le voyage quand un incident intervient. « Plongés dans un profond sommeil artificiel, Aurora et Jim se sont embarqués pour un très long voyage à bord du vaisseau Avalon qui les conduit vers une vie nouvelle sur une autre planète. Mais leurs modules d’hibernation les réveillent mystérieusement 90 ans avant qu’ils n’atteignent leur destination. Ils doivent désormais accepter l’idée de passer le reste de leur existence à bord… » Ce film aborde de nombreuses idées dans les domaines de la religion, de la philosophie… mais il en est un autre qui est plus pertinent : le développement durable, abordé de manière récurrente.
Le 24 décembre 1968, alors qu’Apollo 8 contourne le satellite de la terre, les astronautes assistent à un lever de Terre sous la forme d’un croissant. Biosphère 1 vient d’apparaître, « avec comme dominantes, le bleu des océans et le blanc des nuages, avec des forêts tropicales luxuriantes et ses montagnes dont le relief se détachait clairement » ce qui tranchait avec le gris morne et mort de la surface de notre satellite. Biosphère 1 est notre maison, c’est notre vaisseau spatial. Cette notion de vaisseau terre est mise en avant par Richard Buckminster Fuller à la fin des années 1960 (https://ecodemo.hypotheses.org/anthropocene/1969-design-du-vaisseau-spatial-terre-et-mort-de-la-politique), lui même reprenant l’idée de Adlai Stevenson qui dit dans un discours aux Nations Unies en 1965 que « Nous voyageons ensemble, passagers d’un petit vaisseau spatial, tributaires de ses réserves d’air et de sol, notre sûreté dépendant de la sécurité et de la paix terrestres, préservés de l’anéantissement uniquement par les soins, le travail et l’amour que nous prodiguons à notre frêle esquif et, dois-je le dire, les uns aux autres ». En 1986, Albert Jacquard ajoute que les ressources nécessaires pour vivre ont été embarquées lors de sa fabrication dans la nuit des temps. Il nous reste un très long voyage à parcourir sans autre recours que de faire avec ce que nous disposons : des ressources, des idées et surtout de la bonne volonté.
Dans le film, Avalon qui est le nom du vaisseau, est aussi, dans la mythologie arthurienne, une île où le roi Arthur est emmené après sa dernière bataille. C’est aussi le lieu où aurait été forgée l’épée Excalibur et où aurait vécu la fée Morgane. Bref, c’est un lieu magique source de puissances et de changements mais dans lequel se trouve celui qui dispose du pouvoir d’agir pour construire un monde nouveau. Dans le film, ce changement nous est donné par l’architecture d’ensemble du vaisseau. Pour que la gravité soit maintenue, le vaisseau est en rotation autour de son axe principal et entraîne avec lui trois branches dans lesquelles sont installé les logements, les personnels… Ces éléments sont une illustration du développement durable qui doit nous emporter loin dans l’avenir et qui repose sur trois piliers : l’environnement, la société et l’économie. Cet ilot de vie dans l’espace qui traverse l’Univers demande de maintenir un équilibre dans ces trois piliers. Et pour cela, le plus simple est de contrôler la population.
Nous devons faire attention à ne pas être trop nombreux et donc devons contrôler la population pour qu’elle n’augmente pas au-delà de ce que l’on dispose comme ressources. Cela rejoint les idées de Malthus : plus les descendants sont nombreux et plus il faut partager les ressources et les richesses. Mais alors, qui sont les 5000 dormeurs présents dans le vaisseau ? Sont-ils ceux qui n’ont pas encore ouvert les yeux sur la situation que vit le monde fonçant à travers l’univers ? Sont-ils ces enfants de l’humanité à venir issus de ces deux premiers êtres humains présents dans le vaisseau, brefs les générations futures ? En tout cas, ce sont des générations futures qui mettront en œuvre les idées de nos deux héros et qui pourront bénéficier des ressources non utilisées.
Les ressources naturelles dont nous disposons sont présentes en quantités limitées et nous devons apprendre à ne pas les épuiser. Selon notre mode de vie et notre consommation quotidienne, il nous faut plusieurs Terres pour répondre à nos besoins (http://www.courrierinternational.com/grand-format/infographie-la-terre-ne-suffit-pas) Pourtant, malgré cela nous continuons à prélever toujours plus dans les réserves de notre planète jusqu’à dépasser ce qu’elle peut produire. Le jour du dépassement est la date de l’année à partir de laquelle la Terre vit sur ses réserves et se rapproche de plus en plus du 1er janvier (: http://www.overshootday.org/newsroom/past-earth-overshoot-days/). Le 8 août 2016, la Terre est entrée dans le jour du dépassement et à compter de cette date, l’humanité a exploité les ressources que la Terre peut produire sur une année. De ce fait, les ressources naturelles utilisées jusqu’à la fin de l’année 2016 sont prises à crédit sur l’année suivante. Et l’humanité a de plus en plus besoin de ressources. En 1961, 75% des ressources produites par la terre en un an étaient exploitées et utilisées. Mais avec le temps, l’exploitation des ressources augmente pour répondre aux besoins et en 2013, 155% de ce que la nature peut produire est exploité tous les ans. Dans le film il en est de même. On apprend que plusieurs mondes ont été colonisés par les habitants de la Terre car les ressources terrestres ne répondent plus aux besoins des populations. Les humains du futur peuvent peut être partir vers d’autres monde, mais sur notre planète nous ne pouvons pas partir et nous devons nous contenter de ce que nous avons dans notre espace limité et fermé.
Le vaisseau montre que les hommes peuvent vivre dans un milieu fermé dont les besoins du quotidien sont assurés par des ressources qui se renouvellent de manière dynamique au sein d’écosystèmes. Biosphère 2 est un projet cherche à comprendre le fonctionnement des écosystèmes écologiques et à les reproduire de manière artificielle. Des scientifiques ont donc construit une série de serres dans lesquelles sont reproduits différents écosystèmes terrestres pour mieux les comprendre et les maîtriser. Ce projet reflète très bien la notion de développement durable qui vise à trouver l’équilibre entre les besoins des hommes, des sociétés et l’environnement. Biosphère 2 répond à la question d’arriver à vivre avec les éléments dont on dispose… Actuellement, la Chine se prépare à tester ce type de logique de survie dans un milieu clôt afin de préparer les futurs projets d’une présence sur la Lune (https://www.industrie-techno.com/la-chine-entraine-une-equipe-a-vivre-comme-sur-la-lune.49571). Mais rien n’est gagné car biosphère 2 est difficile à gérer et il faut apporter aux personnes résidant sur place ce qui leur manque et donc dépendre d’un autre monde. A l’échelle de la planète, en épuisant les ressources nous jouons avec le feu car nous risquons de tout perdre. Les ressources s’épuisent, les écosystèmes sont déséquilibrés et le tout risque de s’effondrer rapidement. D’autant plus rapidement que le réchauffement climatique bouleverse lentement mais surement et de manière inexorable nos milieux de vie. Dans le film cela est montré par un feu dans le vaisseau qui apporte l’énergie et donc tout ce dont les passagers ont besoin. Mais l’incendie dans le moteur du vaisseau est l’illustration de ce déséquilibre qu’il est impératif de contenir pour refroidir le tout !! La lutte contre ce réchauffement dans le moteur du vaisseau Avalon c’est la lutte contre le réchauffement climatique dans le vaisseau Terre. Cette lutte s’exprime à travers les différents marqueurs du temps dans le film.
Le film aborde plusieurs temporalités, plusieurs futurs emboités les uns dans les autres. C’est d’abord le futur de l’humanité dans lequel le film nous plonge. C’est aussi le futur des héros limité dans le temps à la durée de la vie humaine faites de répétitions quotidiennes avec ses différents moments de la journée. Le moment du repas est emblématique de la consommation ! C’est enfin le futur de la mission qui se projette dans 120 ans, sachant que la mission n’en est qu’à son début. Ces 120 ans de la durée du voyage correspondent en fait grosso modo au temps dont nous avons besoin pour changer nos habitudes dans le cadre d’une économie circulaire (https://www.fun-mooc.fr/courses/uved/34001S02/session02/about).
Le film montre donc la transition que nous sommes en train de vivre avec la notion de développement durable. Nous avons quitté une Terre dans les années 1980 où la consommation des ressources était importante et nous dirigeons vers cette nouvelle Terre où le développement tente de trouver un équilibre entre l’environnement, la société et l’économie. Atteindre cette nouvelle Terre va prendre environ un siècle ce qui est le temps de modifier nos habitudes quotidiennes, à l’échelle de nos vies sur biosphère 1. Le film Passengers nous entraine donc vers un futur où la Terre ne suffit plus aux hommes. L’humanité quitte un monde surexploité, qui déséquilibre son environnement et finalement détruit son vaisseau Terre pour en atteindre un nouveau, plus équilibré dans le respect du développement durable. Mais peut être est-ce là une utopie que seuls les films de science-fiction nous permettent d’atteindre !
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