« Tantièmes » de Jean-Pierre Noté

Christian Gatard Commentaires fermés sur « Tantièmes » de Jean-Pierre Noté
« Tantièmes » de Jean-Pierre Noté

Dans le roman de Jean-Pierre Noté  –  TANTIEMES –  l’anticipation s’hybride au régionalisme et au terroir. De Palo Alto aux bords de la Garonne, de l’Académie Française avec ses figures contemporaines brillamment croquées à l’Hôtel du Vieux Raisin dans son jus Renaissance à Toulouse et ses habitants en rupture de civilisation, l’auteur propose une alchimie réjouissante. Le facétieux et le tragique, le futur et le mythologique conduisent la lecture à vitesse éperdue. L’intelligence artificielle côtoie les ruisseaux du pied du Plateau du Caroux dans le Haut-Languedoc. Des enjeux géostratégiques à l’échelle planétaire sont à l’affut quand on y sort son Laguiole.

Écrit quelques mois avant l’irruption de chatGPT sur la scène mondiale Jean-Pierre Noté semble en avoir eu l’intuition. Il a imaginé un outil qui n’a « plus de limite à la communication et surtout à la compréhension entre les humains ». Le suspense est haletant. Le langage, les mots, leur sens, les implantations neuronales se disputent la scène pendant que la course poursuite des personnages traverse les continents, se cogne au réel de la politique la plus rugueuse, Ils survivent  – ou pas – , ils explorent jusqu’au bout leur appétit de vivre…

Christian Gatard

FuturHebdo a le plaisir de relayer le texte du site Argoul.com

https://argoul.com/2022/11/03/jean-pierre-note-tantiemes/

Dans cinq ans, en 2027, le monde sera à la merci d’une multinationale d’origine américaine qui a pour nom Babel et qui produit une box connectée qui donne accès à tout et traduit en simultané une profusion de langues. Autrement dit Alphabet, l’autre nom du gros gogol, entreprise attrape-tout qui veut le monopole sur le savoir – donc le pouvoir. Son PDG est surnommé 3K, comme on disait Y2K pour désigner (jadis) le bug de l’an 2000 (qui n’a jamais eu lieu). Les trois K viennent de son nom grec imprononçable pour un gosier anglo-saxon. Car tout doit être traduit, adapté, réduit en anglosax, la langue des maîtres du monde.

Seul un petit pays résiste encore et toujours à l’envahisseur… Pas pour longtemps. Endetté, en déclin, la France voit avec joie proposer l’achat de rien moins que l’Académie française, ce ramassis de quarante vieilles birbes, dont très peu de femmes, qui a l’outrecuidance de vouloir être maître de la langue. Aline, executive woman qui a réussi dans la tech, a sa propre entreprise de traduction à destination des pays africains francophones, TimeExpert. Le 3K la convoite – plus l’entreprise que la fille, encore qu’il aime bien dominer.

Tout ce roman « hyper » contemporain (selon le mot tendance) a pour objet de montrer l’écartèlement d’Aline entre la globalisation et le terroir, Babel et le vieil hôtel de Toulouse qu’elle habite, le mouvement pour le mouvement et l’ancrage dans l’histoire. En bref, un dilemme « ultra » contemporain (autre mot tendance). Il se trouve que, tel le yin et le yang, la contestation se trouve au cœur de sa maison en la personne de Simon, prof d’histoire sans histoires qui possède quelques tantièmes de copropriété de l’hôtel particulier qu’Aline a fini par acquérir presque entièrement. Il refuse de vendre et n’offre aucune prise. Lui aime le territoire, le vin de pays et les paysages du Carroux, ce qu’aimait aussi Aline dans sa « première éternité », son enfance et son adolescence. Curieusement, elle n’a aucune famille subsistante, donc aucune racine, sauf les souvenirs. Tout l’art de Simon sera de faire ressurgir en elle ce qui fait d’elle ce qu’elle est.

Vaste programme ! Babel a une puissance démultipliée et, grâce à sa nouvelle box connectée en drone miniature, Fly, qui suit comme une mouche son propriétaire, puis grâce à la Chip, une micropuce implantée dans le lobe de l’oreille, le maître du monde peut maîtriser les grands du monde. Il fait ainsi que le nain coréen détruise ses bombes nucléaires et se retire dans un monastère bouddhiste, que le petit dictateur russe admette que le pétrole n’est plus l’énergie du futur, que le président français consente à vendre l’Académie française. Au fond, Babel est comme la langue d’Ésope, la meilleure et la pire des choses : la meilleure parce qu’elle permet à quiconque ne parle aucune des langues dominantes de suivre des cours en ligne d’universités prestigieuses dans sa propre langue aussi improbable que le corse ou l’inuit ; la meilleure parce qu’elle enjoint les dirigeants des États à œuvrer pour la planète, le climat et la paix – mais aussi la pire car elle globalise la pensée avec le savoir formaté, la politique avec la moraline universelle décrétée par un seul (Mister 3K lui-même), la surveillance de tous avec les box, les fly, les puces. Tout se sait et tout est traqué à l’aide d’algorithmes puissants. Nul ne peut échapper, même sans puce, à ce Big Brother technologique.

Aline, ambitieuse parce que solitaire et engluée dans le système où elle excelle, ne voit que les bons côtés « généreux » du programme yankee de domination technologique du monde (l’auteur aurait pu citer aussi les Chinois, guère en reste sur cette avancée du contrôle). Elle s’aperçoit in extremis de l’impasse dans laquelle elle met le monde par son ego individualiste et tout tech. Avec Simon, un mâle, un vrai, elle succombe à l’attrait du sexe, sinon à l’amour (si peu visible dans le roman), avant que ses racines ne l’enserrent à neuf et dessillent ses paupières alourdies par la réussite. Le prof fonctionnaire et la milliardaire entreprenante vont conjuguer leurs efforts pour que le pire n’arrive pas et que les puces ne sautent pas sur les humains comme sur tous les chats pour sucer leur fluide vital.

Le plus symbolique est que tout se termine par un coup de lame de silex préhistorique dans le cerveau avancé de la technologie post-historique. Le serpent du destin se mord la queue.

L’auteur, Sup de co Toulouse et licencié en histoire, commercial international pour l’aérospatiale durant 17 ans avant de créer sa boite de consultant, connaît bien le monde technologique des multinationales. Il aime à se ressourcer dans ses Pyrénées natales où il traque les truites fario. Son roman d’anticipation montre comment, de glissement vers le savoir en glissement pour le bien des autres peuples (moins « avancés »), se met en place insidieusement, démocratiquement et moralement, une « intelligence » artificielle qui n’est au fond qu’une technologie totalitaire destinée à transformer l’humain en fourmi. Sauf le terme WASP (White Anglo-Saxon Protestant) qui s’écrit sans H après le W, le livre est bien écrit et l’action soutenue.

 

Jean-Pierre Noté, Tantièmes – un monde sanspuss, Az’art atelier éditions, 2021, 205 pages, €20,00

Le livre n’est référencé ni sur Amazon ni à la Fnac en ligne, ce qui est probablement un choix idéologique mais restreint sans conteste sa diffusion.

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

 

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Jean-Pierre Noté nous parle de lui….

Ma grand-mère Anna Roumègous – une roumègue en occitan est un lieu envahi de ronces – m’a appris à pêcher à l’âge de quatre ans les rabotes – en français, les vairons – sur les bords de l’Agout, affluent du Tarn. Elle était vendeuse aux quatre vents au marché du Cristal sur les boulevards à Toulouse où je jouais pour elle les agents secrets en espionnant les baisses de prix de ses concurrents en fin de matinée.  Très tôt, mon triangle de vie s’est établi entre l’Hérault, Toulouse et l’Ariège, territoires baignés de lumières et de culture romane. Étudiant, je m’ennuyais ferme dans une École de Commerce et je compensais en fréquentant avec assiduité et passion la faculté d’Histoire et en passant mes étés à fouiller des grottes préhistoriques. Adulte, mon activité professionnelle s’est déroulée presque intégralement à l’extérieur des frontières, à négocier et mettre sur pied des projets spatiaux dans de nombreux pays très différents. Aujourd’hui je partage ma vie entre Toulouse et la vallée d’Ustou à l’extrême Sud de l’Ariège.  Négocier, c’est avant tout écouter et coucher sur du papier ou sur un écran les idées des uns et des autres.  Je suis devenu un écrivain public, prélude à devenir écrivain tout court.

Mon troisième roman Tantièmes, est imprégné de mon héritage sudiste. C’est un thriller qui a pour cadre l’Hôtel du Vieux Raisin, rue du Languedoc à Toulouse, personnage à part entière du roman. Il fait de la Ville Rose le centre du Monde : imaginez un G20, ce forum des plus puissants gouvernements de la planète ayant pour cadre Toulouse où les académiciens en habits verts se tiennent prêts à charger sabre au clair dans la cour d’apparat d’une vieille demeure Renaissance pour défendre la langue française et le Monde Libre. Et d’ailleurs, si le monde de demain était inventé ailleurs qu’en Chine ou en Californie ? Si les batailles décisives se jouaient à l’Académie Française ? 

J’ai publié deux autres romans: 21 septembre en 2016 (Editions Empreinte – collection lettre du Sud, N°ISBN 979-10-95370-00-0), un polar historique commençant en 1905 et s’achevant en 2001 avec l’explosion de l’usine chimique AZF à Toulouse, et en 2018 L’affaire Neandertal (Editions Empreinte – collection lettre du Sud, N°ISBN 979-10-95370-07-9), préfacé par le préhistorien Jean Clottes, une enquête policière sur un  very cold case, une scène de crime vieille de 40 000 ans découverte dans une grotte ornée des Pyrénées.

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