Si Internet constitue une révolution technologique à l’origine de mutations sociales, organisationnelles et politiques, son extension dans l’espace extraterrestre fut ces dernières années un enjeu de pouvoir très important à l’origine de tensions entres les Etats. Les américains, à l’avant-garde dans les domaines de la conquête spatiale depuis environ un siècle, et précurseurs dans le secteur des TIC, ont posé les fondements d’un réseau Interplanétaire, un temps nommé Interplanet. Les autres nations auraient pu négocier l’utilisation de ce réseau pour organiser leurs missions vers d’autres astres, comme la Lune ou Mars, mais les tensions internationales ont poussé les américains à revenir sur des accords de partage de leur réseau avec des nations qui payaient parfois très cher pour utiliser l’Interplanet. Les Européens ont cependant décidé dans les années 2060 de créer leur propre réseau, notamment pour éviter le contrôle de leurs télécommunications par les américains, qui pouvaient passer outre les accords de confidentialité des messages et profiter de leur domination pour capter les informations parfois stratégiques. Certains redoutaient l’échec de certaines politiques d’exploration et de colonisation en raison de cette dépendance technologique. Les bases lunaires et martiennes de l’ESA furent ainsi victimes d’avaries inexplicables alors qu’elles étaient proches de réaliser des découvertes importantes notamment pour exploiter des minerais rares sur ces astres et dans le reste du système solaire. L’autonomie dans le secteur des télécommunications interplanétaires est un enjeu central à l’ère des impérialismes spatiaux. Les réseaux sont développés en premier lieu et la qualité de cette étape conditionne le bon déroulement des missions ultérieures. Même dans l’espace, le contrôle des réseaux d’information est une nécessité garantissant la puissance des Etats.
L’Europe a ainsi décidé de construire le Cosmoweb. Cette innovation, que le vieux continent ne prévoit pas de louer ou prêter à d’éventuels alliés dans un premier temps, sera même plus évoluée que l’Interplanet américain. L’immersion virtuelle permettra par exemple aux colons martiens de profiter de communications très réalistes avec les terriens. Cette innovation est nommée « néholodeck » en référence à l’invention de la célèbre série télévisée Star Trek. Les spécialistes ont développé depuis quelques années une nouvelle approche de la conquête spatiale. L’accumulation d’échecs dans les premières années de colonisation de Mars a révélé que la psychologie humaine avait besoin de repères terrestres pour demeurer stable et performante. Avoir la capacité de faire l’expérience régulière de scènes de vies terrestres est crucial pour assurer la santé mentale des colons et garantir leur totale productivité. Le Cosmoweb est en quelques sortes la colonne vertébrale du projet de civilisation du système solaire par l’Europe. Internet est en effet devenu une technologie mature en rendant possible l’immersion virtuelle totale et la réalisation de l’holodeck. Il est naturel désormais de l’expérimenter au niveau interplanétaire. Quelques investisseurs privés se sont lancés dans cette aventure dans le but d’étendre les prérogatives des grandes entreprises de télécommunications dans des colonies spatiales. Ces dernières pourraient devenir des marchés importants dans les prochaines décennies. Les investissements sont cependant tellement colossaux et stratégiquement centraux que seuls les Etats les plus puissants peuvent les financer pour l’instant. Les milliardaires du virtuel investissent pourtant leurs fortunes dans le développement de l’Internet Inteplanétaire, dans le but de rendre possible à moyen terme l’exploitation des richesses du système solaire.
© Thomas Michaud
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