BIENVENUE A GATTACA ou « Quelle réponse à l’hégémonie d’un eugénisme d’État ? » | Ce que la SF nous dit sur demain

Olivier Parent Commentaires fermés sur BIENVENUE A GATTACA ou « Quelle réponse à l’hégémonie d’un eugénisme d’État ? » | Ce que la SF nous dit sur demain
BIENVENUE A GATTACA ou « Quelle réponse à l’hégémonie d’un eugénisme d’État ? » | Ce que la SF nous dit sur demain
Deux ou trois choses que « BIENVENUE A GATTACA », le film de Andrew Niccol, nous dit sur demain… 

« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », parole de prospectiviste !

Avec

 


Réalisation : Andrew Niccol
Scénario : Andrew Niccol
Distribution : Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law
Durée : 106 minutes

Sortie : 1997

 


Le Transhumanisme et ses idées passent souvent par le biais technologique, un côté « Hard Science-Fiction ». Les films d’anticipation robotique en sont un très bon vecteur. Mais les Transhumanistes ne sont pas que « mécanicistes ». Si, grâce aux moyens technologiques, ils revendiquent pour l’humanité l’opportunité qui lui est offerte de s’affranchir des contingences naturelles, à côté de la robotique et des prothèse bio-mécaniques – l’option mécaniciste – il existe un autre moyen d’atteindre ce but. C’est l’option génétique qui permet à l’humanité de s’affranchir de l’évolution et de ses lois uniquement pilotées par celles de la Nature. Transgressif, Bienvenue à Gattaca entre dans cette deuxième catégorie : les protagonistes du film sont sensés être une élite de l’humanité, fruit d’une sélection génétique drastique, d’un eugénisme devenu standard.

Un film est toujours une réduction de la réalité. Même si le cinéma a eu tôt fait de s’affranchir des canons de la narration théâtrale classique – unité d’action, de lieu et de temps – il n’en reste pas moins que l’auteur doit adapter son point de vue à la contrainte du média cinéma qui, lui aussi, à ses règles, imposées par les papes hollywoodiens. Minimaliste à l’écran, Bienvenue à Gattaca acquière sa liberté par son esthétisme : on déambule dans une ville aux ligne tendues, une Brasilia moderne dans laquelle les codes de Niemeyer seraient devenus les standards et ce, jusque dans la mode vestimentaire. Avec un feulement « tout électrique », en tout cas rien de carboné, même la Citroën DS d’Uma Turman se glisse, dans ce décor, avec subtilité, délice et modernité…

En 1997, les films de narration non réalistes – fantastiques, fantasy, dessin animés et autres science-fiction – n’avaient pas encore pris l’embonpoint couramment admis qui amène régulièrement leur durée à dépasser allègrement les deux heures. Les scénarios étaient également d’une narration beaucoup plus linéaires, ascètes quasi minimalistes en comparaison des multiples rebondissement que les scénarios de notre deuxième décennie de XXIeme siècle admet comme un standard. Avec finesse, Bienvenue à Gattaca arbore un classicisme de façade : il n’est qu’une longue construction qui, bien que l’aboutissement spatial semble rapidement acquis, porte en elle le drame de l’humanité, ou sa force : l’humanité ne doit pas oublier qu’elle est plurielle. L’embrasement – final – des réacteurs qui arrachent Vincent à notre Terre semble vouloir aussi sceller le sort de la différence, des non-pures, des handicapés. L’analogie crématoire n’est pas loin. La violence est bien là !

Toutes ces particularités qui font de Bienvenue à Gattaca une film d’anticipation de choix, nous permettent aussi de regarder un monde dans lequel la conception naturelle est synonyme ségrégation sociale, une politique mise en œuvre par une police dotée de moyens technologiques – on est à mi-chemin de la série les Experts et d’un Brazil de Terry Giliam – et  législatifs qui rappelle des images de rafles telles qu’en connue la Seconde Guerre Mondiale. L’esprit de 1984, le film de Michael Radford, n’est pas mou non plus.

Il demeure un étonnement – positif – dont il ne faut pas se priver. Il concerne les diagnostics pre-implantatoires qui sont proposées aux familles qui désirent accueillir un enfant : cet eugénisme généralisé n’est pas présenté/réservé à une élite financière. Tant est si bien que, dans le film, pourvu qu’on ai des parents qui fassent les bons choix, on peut espérer être doter d’un bagage génétique satisfaisant, bien que – la science moderne nous l’apprend avec, entre autre, l’épigénétique – l’ADN ne fait pas tout ! Néanmoins, ce bagage « tamisé » ouvre à l’individu les portes d’une élite construite sur des bases autres que celles que l’on connaît dans notre présent.

Ce constat optimisme passé, reste la violence inhérente à une société qui, comme la notre, contemporaine, se nourri des inégalités. Si les disparités de statut ne semblent plus nourries uniquement par la notion de richesse, la génétique ou, tout au moins sa manifestation, participe désormais à la classification.

Le film raconte la lutte, le combat d’une volonté contre les aprioris non-verbalisés d’un système très bien rodée. Il interroge surtout le spectateur dans sa chère, au sujet de son humanité. Les subterfuges développé par Vincent et Eugène paraissent légitimes, de notre point de vue, pour que Vincent/Eugène vive son rêve d’enfant. Mais, que nous dit de cette nouvelle humanité ce pianiste, interprète génial d’une partition qui ne peut être joué que part un pluridactyle fonctionnel, un « mutant » à douze doigts ? Le mot mutant est écrit entre guillemets car, dans le monde de Gattaca, l’amélioration toute dérangeante qu’elle soit est devenu la norme. C’est le non-sélectionné qui devient le monstre, celui qui se cache, celui qui va de petits en boulots en petit boulots jusqu’à ce que son identité génétique imparfaite ne le rattrape et lui ferme les portes de la nouvelle normalité.

Reste le cas de l’ange déchu, Eugène, l’athlète accompli, la tête bien faite, à la beauté froide. Élevé au statut de quasi divinité par la « qualité/pureté » de son patrimoine génétique, il est rayé, éjecté de l’échiquier quand il est rattrapé par les contingences de la nature humaine : sa fragilité. Les paléo-anthropologues le disent bien : les premiers hominidés, sur le chemin qui allait les mener à notre nature moderne, ont développé leur intelligence et sont devenus des mammifères de moins en moins adaptés à la vie sauvage. Il ne sera pas débattu ici de la poule ou de l’œuf, à savoir si c’est le développement cérébrale qui a spécialiser le corps de l’homme ou si c’est son évolution physiologique qui a permis le développement du cerveau moderne… En tout cas, si la maîtrise par l’homme de son patrimoine génétique représente une nouvelle étape de son évolution, une des conséquences en est que ce même être humain, à ce nouveau stade de son évolution, est encore un peu plus fragile… Non ! En fait, l’homme supporte de moins en moins la vue de cette fragilité, de cette différence, de cette imperfection qu’est, dans ce contexte, le handicap. Cloué dans son fauteuil, Eugène – ce deuxième prénom est lourd de sens – vit un quotidien qui est devenu une injure à sa nature programmée. Il est injure à lui-même.

Pour le paraplégique – il est étonnant que dans ce futur, la médecine n’ai pas appris à réparer ce genre d’accident, dans notre réalité, les progrès ne manquent pas – pour Eugène (du grec eugenios, « bonne/noble race »), donner corps, donner « gêne », au projet fou de Vincent lui offre une rémission, un but dans une vie devenu errance éthylique, bien que, au final, le départ vers les étoiles de l’insoumis signe l’arrêt d’envie de vivre d’un homme qui est rejeté par la société qui lui a donné la vie. Soumis au diktat eugénisme de cette société sans partage, il se donne la mort, bourreau et victime d’une mise en scène qui n’est pas sans rappeler les pires heures de l’histoire du XXe siècle quand les corps des impurs, ceux des imparfaits, des déviants et des agitateurs étaient effacés de l’histoire dans des fours crématoires de ceux qui c’étaient auto-promus les purs, les parfaits, les seuls dignes de vivre. Le soulagement de voir Vincent atteindre le but de sa vie n’atténue en rien l’horreur d’une société devenue totalitaire par soucis d’homogénéité.

Et d’ailleurs, que va-t-elle chercher cette humanité, dans les étoiles ? Le film se concentre sur l’entraînement de ceux qui doivent partir, si bien que l’apport d’expérience de ceux qui sont revenus est totalement absent du film. En lançant vers l’espace des fusées à rythme très soutenu, n’est-ce pas plutôt une évacuation qui est organisée ? Sous couvert d’une conquête spatiale aux mains de cette élite génétique, n’est-ce pas une nouvelle humanité, débarrassée de sa lie, qui cherche une nouvelle terre ou s’implanter ? Les Transhumanistes seraient-ils à bord de ces vaisseaux ou resteraient-ils sur Terre pour vivre l’humanité et sa diversité ?

 


 

Toutes ces analyses sont également rassemblées sur le site www.sciencefictiologie.fr, site dédié à la science-fiction qui  éclaire le présent, grâce à la plume, le crayon et l’œil des auteurs !

 


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