Deux ou trois choses que « HARDCORE HENRY », le film de Ilya Naishuller, nous dit sur demain…« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », parole de prospectiviste !
Réalisation :Ilya Naishuller
Scénario :Ilya Naishuller
Distribution :Sharlto Copley, Danila Kozlovski, Haley Bennett
Durée : 90 minutes
Sortie : 2016
Le film, Hardcore Henry, est en soi une expérience… Filmé en caméra subjective, il relate ce qui pourrait bien être une session de jeu… d’un jeu tel que Half-Life, Battlefield ou Call of duty… En cela, Hardcore Henry est vraiment étonnant : le film utilise des codes de narration qui ne sont pas ceux du cinéma : il utilise les codes du jeu vidéo de combat FPS, “First Person Shooter” c’est à dire “tir à la première personne” : Comme dans un jeu vidéo, le spectateur est dans la tête d’un protagoniste de l’action.
Ici, ce protagoniste se nomme Henry. Le spectateur voit l’action au travers de ses yeux : et cette action se déroule à une vitesse effrénée. Comme dans un jeu FPS, après un briefing sommaire et vite expédié — il nous apprend tout de même qu’on est marié et qu’on a été gravement blessé, les prothèses mécaniques de main et de jambe en attestent — on frappe, on cogne, on tire, on recharge, on change d’arme au gré de ce qui traîne par terre, on grimpe avec aisance, on est jamais essoufflé et les blessures s’estompent rapidement… Une chose est sûre : les prises de vue sont étonnantes. Les cascades s’enchaînent et le spectateur n’a que peu de répit entre les courses poursuites à pied, à moto ou en voiture. Les balles et les coups fusent de toutes parts, les corps s’effondrent, explosent… jusqu’à la nausée. Non pas que le film soit spécialement violent, d’autres films d’actions le sont bien plus encore, mais ici le spectateur pourrait bien perdre son sens de l’orientation tant l’immersion dans ces scènes d’action pousse tout le corps à ressentir ces mouvements alors qu’il reste immobile, confortablement assis dans son fauteuil de cinéma… Pour accentuer cet appel à l’immersion, la réalisation a même rendu Henry muet. Il est incapable de parler à cause d’une installation de prothèse biomécanique inachevée. Heureuse trouvaille qui permet au spectateur de s’approprier encore un peu plus les faits et gestes de cet Henry, principal protagoniste d’un film de combat urbain qui tourne au film de survie, bien que Henry pas plus que le spectateur ne sache trop pourquoi on cherche à attenter à sa vie…
Certains disent que ce malaise dû à ces mouvements de regards non contrôlés par le spectateur pourrait être atténué en faisant apparaître dans le champ de l’image ce que nous percevons de notre propre nez… Pour d’autres, ce malaise pourrait être comparable à celui que les spectateurs ressentirent lors des projections de L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat, en 1895. Premiers clients des frères Lumières et du cinéma de divertissement, ils étaient tous convaincus qu’ils allaient être écrasés par la machine fumante qui fonçait droit sur eux… Aujourd’hui, on le sait, en termes d’usages des médias, tout est question d’habitude ! Alors, Hardcore Henry pourrait bien se révéler être une nouvelle étape vers un spectacle absolu dans lequel la distance entre le spectateur et le média serait réduite à néant, un cinéma immersif, total dans lequel le spectateur aurait le sentiment d’être plongé au cœur de la narration…
Depuis plus de 120 ans que le cinéma s’est démocratisé, il n’a fait que se perfectionner. Il a commencé en noir et blanc puis est passé à la couleur. On y a ajouté le son. La taille des images n’a jamais cessé de s’agrandir. Le relief a fait son apparition et le son est devenu “surround”… Enfin, le cinéma a fait sa révolution numérique : les images sont désormais de synthèses, virtuelles. Alors, que prépare le cinéma pour sa prochaine évolution ?
Ce pourrait bien être les casques immersifs, ces casques de réalité virtuelle. Ils commencent à arriver sur le marché. Ces dispositifs permettent d’avoir le contrôle de la caméra subjective. Un pas que certains ont déjà franchit : les productions pornographiques proposent déjà des films que l’on peut regarder avec des casques tels que l’Oculus Rift… Il suffit de bouger la tête pour regarder ce que l’on souhaite des ébats sexuels du corps dans lequel on est immergé. D’autres poussent l’expérience de l’immersion encore plus loin en proposant de vivre cet érotisme virtuel à deux : on projette aux partenaires des films synchronisés sur la même action mais filmés du point de vue de chaque protagoniste… Certains s’essayent à intervertir les masques pour vivre l’action dans le corps de l’autre sexe… Alors, à quand les combinaisons sensorielles ? A quand une stimulation cérébrale directe qui permettrait une expérience multi-sensorielle ?
Si Hardcore Henry est un avant-gout du futur de la réalité virtuelle et du cinéma immersif, il pose surtout la question du rapport entre réalité et fiction. Au cœur du film, à tellement réduire la distance entre le média et le spectateur, on finit par s’interroger sur la nature même des deux héros du film, Henry et Jimmy… Jimmy, ce bien étrange allié qui guide le nous-Henry au cœur de ce chaos… Jimmy qui, tel un génie psychédélique, jaillit et disparaît au gré de l’action et de morts successives, revenant toujours sous des apparences toutes aussi bizarres les unes que les autres… Alors, ce que vivent Henry, dont on partage la vision, et cet étonnant Jimmy, n’est-ce vraiment qu’un film ? A moins que tout ceci ne soit qu’un jeu particulièrement sophistiqué, dans lequel on ne distingue plus les images des synthèses des images filmées, dans lequel on ne distingue plus la réalité de la fiction ? A moins que Jimmy et Henry ne soient effectivement les prototypes d’une énième génération d’exosquelettes… Des drones biologiques et pilotables à distance… Comme ceux, mécaniques, que l’on voit, dès aujourd’hui, intervenir dans de nombreux conflits armés tout autour de la pa été et pilotés par des hommes et des femmes confortablement installés à des milliers de kilomètres du théâtre des opérations… Si dans le cas de Jimmy, on finit par avoir des réponses, la nature de Henry, elle, reste mystérieuse…
Et le mystère autour de l’humanité de Henry demeurera entier bien au-delà de la fin du film. Car, contrairement aux films d’action habituels, il n’y a pas de final qui apaise et répond aux questions… L’action finie, la mission accomplie, le niveau achevée… Le film s’arrête d’un coup, comme un jeu…
Toutes ces analyses sont également rassemblées sur le site www.sciencefictiologie.fr, site dédié à la science-fiction qui éclaire le présent, grâce à la plume, le crayon et l’œil des auteurs !
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