Le roman de Robert Silverberg Les monades urbaines (1971) propose une réflexion sur la verticalisation urbaine. Dans le futur, les humains ont construit de gigantesques édifices, les monades, pour loger des milliards d’individus et libérer des terres agricoles censées les alimenter. Cette organisation a pris le relais d’un modèle d’expansion horizontale des villes qui a provoqué une famine au XXIe siècle. Ce roman reflète les débats des années 1960-70 qui prônaient à la fois la libération sexuelle et la limitation des naissances. Le malthusianisme renaissait à cette époque, et dans le roman, la verticalisation est présentée comme un moyen de permettre la promotion de la natalité. Silverberg propose aussi une réflexion sur les valeurs défendues dans ce type de société. Si le lecteur porte rapidement un regard critique sur ce qui ressemble à une dystopie en raison notamment de la limitation des libertés individuelles dans ce type de structures, les personnages du roman expriment le plus souvent leur bonheur, et témoignent de ce qu’ils conçoivent comme une utopie réalisée, à l’exception de rares déviants, les anomos pris en charges, reconditionnés ou éliminés. Cet article est l’occasion de présenter quelques récits de science-fiction traitants de la verticalisation urbaine, et de considérer l’imaginaire comme un outil utile à la prospective et à la critique des évolutions culturelles et politiques.
L’imaginaire de la ville verticale est particulièrement fécond dans la science-fiction (Hewitt et Graham, 2014)1. Dans de nombreux romans et films, le futur décrit montre des immeubles gigantesques dans des univers soit utopiques, soit dystopiques. Ces représentations alimentent les lecteurs en rêves et métaphores leur permettant d’imaginer le futur ou de critiquer le présent. Pour rappel, le terme utopie fut imaginé par Thomas More en 1516 pour désigner une société idéale. Le mot dystopie, plus récent, désigne l’inverse, c’est-à-dire le pire monde possible.
Les organisations politiques, notamment dans les zones urbaines, montrent des structures verticales dans des futurs plus ou moins souhaitables. Cet article ne cherche pas à développer une analyse des représentations de la ville du futur dans la science-fiction, même si ce sujet peut faire l’objet de recherches complémentaires. Il se penche sur un roman de Robert Silverberg, Les monades urbaines, publié en 1971, qui cristallise de nombreux fantasmes et soulève des problématiques au centre des débats publics dans les années 1960-70. De plus en plus souvent, les innovateurs font appel à des auteurs de science-fiction pour contribuer à structurer leurs visions du futur (Michaud, 2010). L’architecture et la géographie n’échappent pas à cette tendance (Kitchin et Kneale, 2005). La prospective est une discipline qui cherche à décrire l’avenir dans le but d’aider les organisations à décider. De nombreuses méthodes sont possibles pour accéder à la connaissance du futur, donnée aussi cruciale stratégiquement que difficile à saisir.
Méthodologiquement, la science-fiction mobilise de plus en plus d’intérêt (Westfahl, 1998) et apparaît comme un imaginaire permettant de stimuler la créativité et l’intuition. Cet art se déroule souvent dans le futur et propose des récits envisageant l’impact de la science et de la technologie sur la société. Le roman qui nous intéresse, devenu une référence, se déroule en 2381. Constitue-t-il une expérience de pensée qui pourrait s’inscrire dans une réflexion prospective (Minois, 1996), ou une simple métaphore de questions contingentes ?
Les villes du futur seront-elles verticales, ou continueront-elles à se développer horizontalement, sur des terres agricoles qui pourraient manquer dans le futur et provoquer des famines ? Conscient de la critique malthusienne d’une hypothétique surpopulation humaine sur la planète, Silverberg imagine un futur dans lequel la natalité est encouragée et dans lequel la planète Vénus a été colonisée. Après avoir présenté les thèmes principaux abordés dans ce roman, la question de sa nature utopique ou dystopique sera posée (Hottois, 2000). La construction de tours de plusieurs kilomètres de haut dépasse-t-elle le statut de pur fantasme, ou faut-il prendre ces récits au sérieux en considérant qu’ils pourraient proposer des solutions viables pour des situations réelles dans un futur plus ou moins lointain ?
La monade urbaine, élément central d’une nouvelle civilisation
La suite sur Les monades urbaines, entre utopie et dystopie de la ville verticale [OpenEdition Journals]
Crédit image : Pixabay
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