Nourriture de synthèse, industrialisation des techniques agricoles, évolution du statut de l’agriculteur… de nombreuses œuvres de science-fiction ont questionné l’agriculture et notre alimentation. Entre crispations, fantasmes et images d’Épinal, quelle humanité agricole ont-elles imaginé ?
En 1928, l’auteur de science-fiction russe Alexandre Beliav publie une nouvelle intitulée « Le pain éternel », dans laquelle il rêve d’une humanité où plus personne ne souffrirait de la faim, grâce à cette nouvelle abondance. En 1943 dans son roman Ravage, le Français René Barjavel imagine une société ultra formatée et technicisée et décrit son rapport à la nourriture dans un passage visionnaire : « L’humanité ne cultivait presque plus rien en terre. Légumes, céréales, fleurs, tout cela poussait à l’usine, dans des bacs. (…) L’élevage, cette horreur, avait également disparu. Élever, chérir les bêtes pour les livrer ensuite au couteau du boucher, c’étaient bien là des mœurs dignes des barbares du XXème siècle. Le « bétail » n’existait plus. La viande était « cultivée » sous la direction de chimistes spécialistes (…) ».
Dans l’univers de la science-fiction (ou SF), le mieux est souvent l’ennemi du bien, et particulièrement du bien commun. « D’une certaine manière les écrivains de SF sont des jardiniers du futur qui s’évertuent à faire pousser dans l’imaginaire des mondes crédibles et envisageables pour en déterminer les dangers ou les attraits. Agriculteurs et auteurs de science-fiction sont les penseurs du changement, ils pensent le futur et anticipent les contraintes (climatiques, géographiques, sociales, démographiques), en nous montrant la voie… ou pas. » s’amuse Marie-Laure Hustache (agrIdées). Dans Dune de Franck Herbert, la planète-désert Arrakis, couverte de sable et roches, oblige ses habitants à inventer mille stratagèmes pour recueillir l’eau devenue si précieuse et cultiver dans des zones dédiées, rappelant l’agriculture sous contraintes en Israël. Les fameux pièges à vent imaginés par l’auteur de la saga ont d’ailleurs été concrétisés et utilisés au Chili, en Inde et en Afrique, capturant entre 20 et 65% de l’humidité de l’air.
De l’exercice de prospective…
Pour Bruno Parmentier, la science-fiction est un formidable moyen de lutter contre la normalisation de la société, l’anticonformisme des textes invitant à innover et à penser en dehors des sentiers battus. Il est temps selon lui d’entrer dans « le siècle de la biotech », après un XIXème siècle mécanique et un XXème siècle chimique. Ainsi, les nouveaux mondes à explorer ne se trouvent pas forcément dans l’espace, mais plutôt sous nos pieds : « Sous 1 mètre carré de sol, il y a 260 millions d’êtres vivants. Nous n’en connaissons que 10%. Nous allons trouver d’autres méthodes de productivité agricole à partir d’une alliance nouvelle entre le monde de la bio et le monde de l’informatique. Ceci n’est possible que parce que nous avons des outils de plus en plus performants de captage de données, d’IA, des drones et des robots. Avec cette agriculture de précision devenue bien réelle, au bout de la chaîne, nous allons non pas vers la standardisation, mais vers une hyper personnalisation des modes de distribution et de consommation où les notions de plaisir et de santé resteront essentielles. »…
La suite : Quand la science-fiction interroge notre rapport à l’agriculture – ZDNet
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