Faire bâtir une maison individuelle peut se révéler être plus compliqué que d’édifier une tour… de 30 étages. C’est, en tout cas, la triste expérience d’une famille du Gers qui, après 15 ans de procédures, vient enfin d’obtenir gain de cause auprès de la Cour Européenne de Justice. Cette dernière vient de rendre son jugement en leur faveur, à titre conservatoire, sans possibilité d’appel pour les condamnés.
Petite rétrospective : en 2044, la famille Plascassier achète un terrain à Saint-Soussis-sur-Ondoire, dans l’ancien parc du prieuré. Celui-ci a été morcelé en parcelles privées, des décennies auparavant. Les Plascassier acquierent eviron 1000 m2. Ils déposent rapidement un permis de construire à la plus grande joie de la municipalité, heureuse de voir s’installer le jeune couple et ses deux enfants.
Le projet de la maison s’inspire de l’architecture du prieuré et son abbatiale du XIIe siècle. L’ensemble est classé et la propriété des Plascassier se situe dans un rayon de moins de 500 m. : l’architecte des bâtiments de France, après quelques remarques rapidement prises en compte, rend un avis positif.
Au delà des simples critères esthétiques auxquels le projet des Plascassier devait respecter, on trouvait l’orientation du nouveau bâtiment (il devait respecter un certain vis-à-vis), la hauteur du faîte du toit qui, lui, devait respecter un alignement. Sur le papier, le projet des Plascassier remplissait toutes les conditions. Ils confient la construction de leur maison à un entrepreneur de la région qui a tôt fait de lancer ses robots à l’œuvre.
Le processus de construction est simple : sur base des plans, un robot arpenteur place des balises à des endroits stratégiques du terrain. Ces balises servent de référence à l’armée automatique qui n’a rien d’anthropomorphe : ce ne sont que excavatrices, pelleteuses et autres camions robotisés et munis de bras mécaniques, le tout est doté d’une ODA collaborative. Ces engins accomplissent le gros œuvre. Les robots anthropomorphes interviennent pour le second œuvre et les finissions. L’être humain, quand à lui, n’intervient que pour vérifier que tout se déroule bien…
7 semaines après la pose de la première balise, le pavillon est livré. Et les ennuis commencent. Le pavillon fraîchement bâti ne semble pas respecter l’angle et la hauteur demandé pour s’insérer dans le paysage du prieuré du XIIe siècle. Les relations avec la municipalité se tendent. Après enquête, il apparait que, au moment de poser ses balises, se basant sur son GPS interne, le robot arpenteur qui n’est qu’une énorme pelleteuse de plusieurs tonnes, s’est enfoncé de plusieurs dizaine de centimètre : sous le terrain existait une galerie inconnue dont la voute millénaire n’a pas résisté au poids du mastodonte. Se déplaçant pour aller placer ses autres balises, la pelleteuse n’a pas « senti » que le terrain continuait à bouger, la balise changeant d’orientation et d’élévation, au point que la pose de la deuxième balise se trouvait elle-même faussée… Et de fil en aiguille, l’arpentage fini, sans présence humaine, tout le futur bâtiment devenait hors la loi !
La municipalité a demandé la destruction de la maison incriminée, les malheureux propriétaires se sont retournés vers l’entrepreneur qui lui a attaqué le constructeur de son arpenteur pour défaut de sécurité dans le programme informatique de sa machine. Ce denier a, à son tour, attaqué la municipalité pour défaut d’information ; la présence de la galerie a finalement été retrouvé dans de vieilles archives. La municipalité à attaqué l’État Français : les archives étaient entreposées dans un fond national… Toutes ses procédures entremêlées privent pour longtemps les Plascassiers de leur « maison du bonheur » qui leur reste inaccessible. Ruinés, l’assurance n’ayant pas accepté de les rembourser au titre d’un vice de forme tant que le jugement ne serait pas rendu, ils se sont résolus à aller habiter chez les parents de monsieur Plascassier.
16 ans plus tard, la CEJ vient enfin de réhabilter les Plascassier dans leurs droits, leur alouant une confortable indemnité pour préjudice moral agravé. Les entreprises et administrations étant comdamnées à prendre en charge la destruction et la reconstruction de la maison selon les éxigences premières. Les Plascassiers ont annoncés qu’ils mettaient en vente cette maison… pour aller construire ailleurs une nouvelle « maison du bonheur »…
© Olivier Parent – prospective.lecomptoir2.pro
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