Deux ou trois choses que « CHAPPIE », le film de Neill Blomkamp, nous dit sur demain…« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », parole de prospectiviste !
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Réalisation : Neill Blomkamp
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Scénario : Neill Blomkamp et Terri Tatchell, d’après le court métrage Tetra Vaal
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Durée : 120 minutes
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Sortie : 2015
Tous les films de Neill Blomkamp sont marqués par cet indescriptible esprit quasi apocalyptique qu’il a offert au monde à compter de District 9, son premier long mêtrage
Avec Chappie, Blomkamp propose une fable sur l’intelligence artificielle, sujet à la mode, cette année 2015 avec des films comme Ex Machina, Terminator Genisys ou l’indépendant Automata.
Si les ingénieurs du film nous présentent des machines à l’efficacité redoutable, la société dans laquelle se déroule le film semble aussi avoir mis fin à un débat qui ne fait que débuter dans notre monde. Il s’agit de la décision de tire létal laissé à la seule décision d’un programme informatique autonome. Autrement dit : est-ce qu’un robot peut décider seul de tirer sur un être humain au risque de le tuer. La question a donné lieu à une première réunion, dans le cadre de l’ONU, en 2014, à Genève. Le débat est loin d’être clôt. Cela concerne à l’évidence les drones volant armés utilisés par l’armé américaine au Moyen Orient. Mieux encore, depuis 2013, la zone démilitarisée entre la Corée du Sud et la Corée du Nord ressemble à un terrain d’expérimentation avec le robot SGR-A1 de Samsung, une tourelle de surveillance déployée par l’armée sud coréenne. Ce dispositif est armé d’une mitrailleuse de 5,53 mm. et d’un lance roquettes de 40 mm. A ce jour, il est encore semi-autonome…
Mais, Chappie raconte surtout trois étapes majeures de l’évolution du fonctionnement des ordinateurs/robots.
Quand le film débute, les robots font déjà partie du quotidien d’une société hyper urbanisée et extrêmement violente. Ces robots sont des machines rapides, précises dans leurs gestes, parfaitement autonomes et capables d’un travail en totale interaction avec les êtres humains. Ils utilisent les mêmes outils du quotidien des forces de l’ordre, que l’on parle d’armes ou de véhicule… D’ailleurs, cette collaboration des machines profitables pour les policiers humains, semble apporter un réponse à la question : “pourquoi faire des machines anthropomorphes, à forme humaine ?” Parce qu’il vaut mieux adapter la machine à la société humaine que faire de contraire semble dire le film de Blomkamp. Il faut cependant prendre la mesure du chemin qui reste à être parcouru avant que notre présent rencontre cet éventuel avenir. La technologie mise en œuvre pour animer les scouts, les robots policiers, vrais héros du films, est le concentré de solutions, réponses à tous les problèmes auxquels se heurtent encore les ingénieurs de notre temps. Il suffit de regarder les images du 2015 DARPA Robotics Challenge pour s’en convaincre : nos robots restent d’une maladresse confondante en comparaison des prouesses qu’accomplissent les scouts dans le cadre de leurs fonctions auprès des forces de l’ordre. On peut tout de même s’amuser à remarquer certaines similitudes de formes entre Chappie et les compétiteurs de la compétition organisée par la DARPA, l’agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense. Alors, gardons espoir et attendons de mesurer les progrès qu’accompliront les robots du deuxième challenge de la DARPA, en 2016.
Après avoir fait connaissance des scouts, vient le moment de l’émergence de la conscience de Chappie. Avant que le jeune ingénieur prodige ne charge le programme qui va permettre à la machine de naître à la conscience d’elle-même, le robot n’était qu’un spécimen mécanique doté, comme ses congénères, d’une intelligence artificielle. Dans l’histoire, ce robot semble même particulièrement maladroit puisqu’il doit être réparé plusieurs fois avant qu’un dernier accident ne le condamne à la mise au rebut. Mais, cette machine va devenir unique en passant de l’intelligence artificielle à la conscience artificielle. C’est ce que les Transhumanistes nomment la Singularité, et qu’ils appellent de tous leurs vœux.
L’intelligence artificielle fait déjà partie de notre quotidien : les systèmes d’exploitation de smartphones ou de nos tablettes embarquent des systèmes experts qui sont intelligents. Ils comprennent nos paroles et les transcrivent en texte, ils apprennent nos gestes quotidiens pour modifier leurs propres comportements et, ainsi, s’adaptent à nos habitudes… Loin des objets de notre quotidien, il existe des programmes dédiés à la conversation qui arrivent à tromper des êtres humains. Mais, à la différence des machines du film, il n’éxiste pas encore, dans notre monde, un système qui intègre en une seule entité physique une intelligence artificielle autonome. Et encore moins, une conscience artificielle.
Le film semble tenir cette conscience en un programme. Une fois le programme compilé et stable, Deon, le jeune ingénieur, papa des scouts, télécharge le programme dans la carcasse inanimée qui va devenir Chappie. A la différence du système d’exploitation des scouts qui les rend automatiquement opérationnels, le nouveau programme active la machine, mais elle semble vide de tout élément de compréhension du monde qui l’entoure. En quelques heures, en quelques jours, il va lui falloir faire ses propres expériences pour se construire. Le nouveau programme semble proposer une nouvelle manière de trier, de comprendre, d’interpréter les stimuli extérieurs. Si l’intelligence artificielle est une compilation de comportements appropriés à diverses situations, le nouveau programme duquel va émerger la conscience de Chappie semble être une manière unique de faire jaillir l’information de la donnée, la connaissance de l’information et la compréhension de la connaissance. Et ce cheminement est unique car il ne peut pas être reproduit : chaque machine dotée de ce programme vivra ses propres expériences, en fonction de son environnement et développera sa propre personnalité. Mais cette personnalité reste numérique. Ce serait un algorithme unique, un singularité qui serait dire “je”, qui saurait créer, qui aurait des sentiments, qui aurait peur… de la mort. Comme tout fichier numérique, il serait duplicable. Si cette algorithme est conscient de lui-même, cette conscience survira-t-elle à la duplication ? Cette duplication ne fera-t-elle pas apparaître deux personnalités nouvelles et indépendantes à l’instant même de la duplication ? La conscience pourrait-elle se passer de véhicule ?
Toutes ces questions amènent le troisième moment du film qui nous interroge dans notre propre humanité : le moment où la personnalité de Deon est téléchargée dans un scout. Deon et Chappie sont attaqués de toutes parts. L’humain est mortellement blessé. Il ne lui reste plus que quelques minutes à vivre. Le robot prend l’initiative de sauver ce qu’il peut de la conscience organique qui lui est venue en aide. A l’image, il ne suffit que de quelques secondes pour que l’opération soit réalisée. Et Deon se réveille dans son nouveau corps.
Un téléchargement est un échange mesuré de données. Il y a un début et une fin au téléchargement. C’est la copie d’un fichier fini. Alors, ce qui maintenant met en mouvement le robot, est-ce bien Deon ? L’humanité de l’ingénieur est-elle mesurable en octets, méga, giga, tera ou peta octets ? Ou bien, l’humain est effectivement bien mort et ce qui désormais anime la machine n’est qu’un ersatz de ce que fut l’homme, ersatz convaincu de sa conscience propre. Cette nouvelle conscience va construire sa propre personnalité au travers de ses propres expériences dans le véhicule mécanique bariolé qui est son nouveau corps.
La sauvegarde numérique d’une personnalité humaine est un fantasme contemporain. Et, peut-être, est-ce le moteur, plus ou moins conscient mais bien réel, de la recherche sur l’intelligence artificielle de laquelle pourrait émerger la conscience artificielle. Si ce but est atteint, signera-t-il la fin de la mort ? Encore une fois, les Transhumanistes ne renieraient pas cette dernière assertion ! A chacun d’interroger sa propre humanité.
Toutes ces analyses sont également rassemblées sur le site www.sciencefictiologie.fr, site dédié à la science-fiction qui éclaire le présent, grâce à la plume, le crayon et l’œil des auteurs !
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