« Ready Player One » : entre utopie et dystopie, une vision de l’avenir de l’Internet | inCyber News

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« Ready Player One » : entre utopie et dystopie, une vision de l’avenir de l’Internet | inCyber News

Deuxième contribution d’Olivier Parent à
inCyber News, 
le média de la confiance numérique


Réalisation : Steven Spielberg
Scénario : Zak Penn, Ernest Cline
Durée : 140 min.
Sortie : 2018
Production/Distribution/Crédits d’images :  Amblin Entertainment, Reliance Entertainment, Village Roadshow Pictures, Dune Entertainment, Warner Bros.


Ce film de Steven Spielberg (2018) permet au grand public de comprendre ce que pourraient être un jour les métavers. Il est surtout la figuration des forces et des limites de ces espaces virtuels qu’on nous annonce comme l’avenir de l’Internet.

Le film démarre sur un constat que le héros fait de son propre temps. 2045 : après diverses crises environnementales et économiques, l’humanité a arrêté de tenter de résoudre les problèmes. En mode survie, les gens se contentent de composer avec le réel tel qu’il est. Dans les faits, tout le monde cherche à fuir ce réel pour des mondes meilleurs et virtuels. Là, chacun peut être ce qu’il souhaite être, dans une libre autodétermination de genre, de forme, d’origine et de destin plus ou moins mythologique.

Les univers virtuels de Ready Player One prennent aussi la forme d’une réponse à la désillusion, à la pauvreté et au chômage endémique, à la pollution et aux dérèglements climatiques. Accessibles à tous, ces mondes parallèles offrent l’accès à une vie idéale ou plutôt au rêve d’une ascension sociale au travers d’une “gamification” de la réalité poussée à son paroxysme.

Mais, une question s’impose : que sont ces mondes virtuels ? Que sont ces métavers qui sont au cœur de ce film ? Pour essayer d’apporter quelques éléments de réponse objectifs, il faut déjà commencer par ajouter l’adjectif « persistants » aux termes « mondes virtuels ». Ces espaces numériques ont ceci de particulier qu’en fonction des moyens matériels mis à leur disposition, ils continuent à se déployer, qu’on y soit connecté ou non.  

Ensuite, il faut constater le lien fort existant entre ces mondes virtuels et celui du commerce. Ce film — comme le roman dont il a été tiré — doit une partie de sa renommée à une multitude de références à la pop culture dont il est truffé. Là sont convoqués les univers des jeux vidéo, de la musique, et du cinéma. Ce lien passe donc par le divertissement. 

 

Conceptions différentes

Dès 2020, les patrons de Microsoft ou de Meta, Satya Nadella et Mark Zuckerberg, avaient parié sur une arrivée à maturité rapide de cette nouvelle manière de concevoir la consommation des services virtuels, au moyen de nouveaux avatars. Cela concernerait les jeux jusqu’à l’éducation, les services privés, commerciaux, à ceux d’État ou publics. Il faut aussi se souvenir que c’est à ce moment-là que Zuckerberg a changé le nom de son groupe, passant de Facebook à Meta, sous-entendu « metaverse »

La principale différence entre ces deux approches tient à la professionnalisation de l’usage du métavers chez Microsoft, qui met en avant les potentiels pédagogiques et académiques de ces technologies, quand Meta s’était engagé sur un usage plus grand public. Seulement, fin 2022, un invité surprise allait mettre à terre toutes ces attentes avec la sortie d’un tout autre genre de services : les algorithmes génératifs, conversationnels ou autres. 

Il est vrai que la perspective de pouvoir dialoguer avec une machine de manière fluide et cohérente ou celle de pouvoir générer les images les plus folles dans les styles les plus aboutis représentaient des attraits bien plus forts que les expériences proposées au public. Les milliers d’euros dépensés par diverses marques, plus ou moins haut de gamme, pour s’assurer une présence dans ces espaces virtuels semblaient une garantie d’un entrain ou tout au moins d’un attrait pour ces lieux persistants. De leur côté, les NFT — Non Fongible Tokens, ces clés numériques non duplicables qui reposent sur les blockchains — permettaient la propriété, et donc le commerce, d’objets virtuels rendus uniques. 

Tous les voyants semblaient donc au vert mais rien ne s’est déroulé comme prévu. L’IA générative, et ses multiples usages, a remporté la palme de l’innovation de rupture du début des années 2020. Mais alors, pourquoi cet échec quand un film comme Ready Player One montre le métavers sous une forme et un usage si attrayants ? 

 

Échec relatif

Déjà, il faut relativiser ce fiasco. S’il y a échec, il se trouve du côté du grand public. Des professionnels utilisent des métavers propriétaires dans de nombreux domaines et ce depuis de nombreuses années. Un exemple : Dassault Systèmes, qui projette dans son métavers des virtuals twins permettant à ses armées d’ingénieurs de travailler de front et en interaction constante. Ce sont les conditions nécessaires à la conception de systèmes, mêmes complexes comme un avion, qui demeurent virtuels de bout en bout de leur élaboration. Ainsi, sans passer par le prototypage, le premier produit sorti des chaînes de montage est directement opérationnel.

Du côté du grand public, il faut bien avouer que, lors de nos premières connexions aux métavers, l’effet « Waouh !!! » n’avait pas été au rendez-vous. Rien de comparable avec la découverte de ChatGPT d’OpenAI. Alors, que s’est-il passé ? Peut-être qu’à l’époque, les concepteurs de ces métavers avaient oublié quelque chose : l’interface humain-machine n’a rien de naturel et d’acquis. C’est sur elle que repose l’expérience utilisateur. Or les graphismes proposés et les premières expériences étaient si décevantes qu’elles ont provoqué le rejet constaté. 

Cela veut-il dire que se perdre dans des métavers qui donnent envie comme dans le film  Ready Player One serait un rêve ? À moins qu’il ne faille encore attendre ? Il n’y a pas de réponse absolue à ces interrogations néanmoins légitimes. Par contre, on peut essayer de tirer quelques enseignements de la comparaison entre les métavers de l’année 2022 et celui de 2045. 

Déjà dans Ready Player One, il semble n’y avoir qu’un métavers. Celui-ci se nomme l’Oasis. Il est un personnage à part entière du film. Ensuite, tous les usagers semblent savoir s’en servir, peu importe leur âge ou leur condition physique. L’interface semble s’adapter à chacun d’entre eux pour leur offrir une expérience optimale bien que cela soit tout de même en fonction du matériel utilisé. 

Le climax du film : au moment du grand combat manichéen entre le bien et le mal, ces mêmes usagers, où qu’ils se trouvent, demeurent en pleine immersion sans se poser la question de la robustesse de la connexion qui leur assure une bonne qualité d’expérience. Pas plus de questions d’autonomie des batteries dans le monde de Ready Player One. A contrepied de cette litanie de points positifs, il faut noter que l’Oasis semble en position de monopole. Dans le monde de Ready Player One, pas de concurrence. C’est d’ailleurs l’un des  enjeux de l’intrigue du film. 

 

Nouvelles règles

Le paragraphe ci-dessus permet d’évoquer une liste de règles que nos sociétés modernes en quête de dématérialisation devraient suivre pour assurer une transition apaisée vers le numérique. Ces règles pourraient commencer par énoncer que tout dépendra de la robustesse des accès aux réseaux de communication pour libérer l’usager du stress lié au risque de déconnexion, interrompant tout service. 

Elles diraient ensuite que les systèmes devront être interopérables. L’usager n’a pas à être « prisonnier » d’un protocole propriétaire, il doit pouvoir passer d’un système à un autre, sans difficultés, sans restriction, sans stress. Elles diraient aussi que ce sont aux interfaces de s’adapter à l’humain et non l’inverse. C’est d’ailleurs là que les nouveaux algorithmes génératifs pourraient être d’une très grande aide en créant les interfaces agiles, les intermédiaires adaptées, en temps réel, aux particularités de chacun d’entre nous. 

Reste un dernier point : garantir l’hybridation d’accès à tout système qui cherche à se dématérialiser devant conserver un guichet physique. C’est d’autant plus indispensable au sujet d’un service public. Le film propose son interprétation de la question de l’hybridation des accès aux services proposés dans les métavers. Alors qu’on voit le héros et sa petite amie tendrement enlacés, on entend une voix dire que si le virtuel est extraordinaire, le réel est bien aussi. 

Ces bonnes intentions suffiront-elles ? On peut au moins reformuler la problématique « réel versus virtuel »  de la sorte : de même qu’au tournant du millénaire, on s’est attaché à combler la fracture numérique — en assurant à tous l’égalité dans l’accès et l’usage des outils numériques —  il faudra, demain, être attentif à ne pas laisser une fracture analogique se creuser. Devra-t-on organiser demain, dans le monde réel, des stages pour réapprendre à marcher pieds nus sur l’herbe ? Sous la pluie ? À lire un ouvrage imprimé ? À dessiner avec un crayon sur du papier ?

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