Nouvelle contribution
d’Olivier Parent à
inCyber News,
le média de la confiance numérique
Total Recall : mémoires reprogrammées est un film qui date de 2012. C’est l’adaptation d’une nouvelle de Philip K. Dick dont toute l’œuvre aura été une exploration de la réalité telle qu’elle est perçue et qui participe à la construction de l’identité des protagonistes de ses romans. C’est bien ce qui se joue dans la nouvelle comme dans le film : dans ce monde à venir, la mémoire peut-être modifiée. Des souvenirs peuvent être implantés. Quitte à ce que la distinction entre réel et fiction s’atténue… En plus de l’exploration de cette troublante incertitude, le film Total Recall est riche en figurations d’un avenir dystopique pour la Terre comme pour les humains. Il propose aussi des thèses audacieuses qui lui ont valu le désamour de la communauté SF, en plus d’être qualifié de « pâle remake » de l’adaptation de Paul Verhoeven, 1990. Cependant, il mérite notre attention en termes de prospective !
Alors, commençons par oublier les comparaisons et attachons-nous à explorer les propositions de Total Recall : mémoires reprogrammées. Et commençons par un étonnement. Alors que, aujourd’hui, les milieux scientifiques s’époumonent à avertir notre présent des urgences climatiques et environnementales, avec le GIEC comme porte-parole, le film construit sa tension initiale sur un conflit au cours duquel des armes chimiques auraient rendu la planète impropre à la vie, à l’exception des territoires de Grande-Bretagne et de l’Australie devenus, dans le film, l’Union fédérale britannique (UFB) et la Colonie. On ne se privera pas de noter l’évocation d’un Commonwealth miraculé, dans lequel, pourtant, les richesses sont loin d’être partagées, la Colonie n’ayant semble-t-il que sa main-d’œuvre à offrir aux usines de l’UFB ! On ne manquera pas non plus de noter la manière quelque peu cavalière d’évacuer les questions de l’impact des activités sur l’environnement, à moins que ce ne soit un moyen d’évoquer les actuelles tensions géopolitiques — en Ukraine, au Moyen-Orient, en Mer de Chine… — qui auraient plutôt tendance à réactualiser le risque de conflit planétaire.
La science-fiction peut être prise en défaut… pour finalement mieux nous faire connaître le monde !
Descendant du global vers le particulier, il faut s’arrêter quelques instants sur un des éléments clés de la géopolitique du film… . Il s’agit de la Chute, le moyen de transport qui permet aux classes laborieuses de la Colonie de travailler, tous les jours, dans les usines situées à l’autre bout de la Terre, en UFB. Cette Chute consiste en un train tubulaire qui plonge dans un immense tunnel passant à proximité du noyau de notre planète, nous précise le film. C’est ainsi que les deux territoires sont connectés. En essayant d’être un temps soit peu réaliste, il faut imaginer un tunnel de près de 14 500 kilomètres reliant Londres à Sydney. Il traverserait la croûte terrestre ainsi que les manteaux supérieur et inférieur. Longeant la discontinuité de Gutenberg située à environ 3 000 km de profondeur, il éviterait les conditions plus qu’extrêmes de pression et de température du noyau externe.
La suite sur Total Recall : Mémoire reprogrammée ou « l’expérience du réel au risque de la technologie »